martes, 29 de marzo de 2011

Douglas Kennedy, L'homme qui voulait vivre sa vie

POCKET - Belfond

Résumé du roman: Un poste important, une vaste maison, une femme élégante, un bébé: pour tout le monde, Ben Bradford a réussi. Pourtant, à ses yeux, rien n'est moins sûr: de son rêve d'enfant -être photographe- il ne reste plus rien. S'ils possèdent les appareils photo les plus perfectionnés, les occasions de s'en servir sont rares. Et le sentiment d'être un imposteur dans sa propre existence est de plus en plus fort... Alors comment résister à l'appel d'une autre vie quand le destin s'en mêle?

Critique de Martine Laval (TÉLÉRAMA):
"Douglas Kennedy bouillonne de talent, sa narration est haletante, sa construction sans faille."

Roman traduit de l'américain par Bernard Cohen - Un grand bravo pour le traducteur!

Douglas Kennedy
est né à New York en 1955, et vit entre Londres, Paris et Berlin. Auteur de trois récits de voyages remarqués, dont Au pays de Dieu (Belfond, 2004; Pocket, 2006), il s'est imposé avec, entre autres, L'homme qui voulait vivre sa vie (Belfond, 1998; Pocket, 1999), en cours d'adaptation cinématographique, et La poursuite du bonheur (Belfond, 2001; Pocket 2009), suivis de: Une relation dangereuse (Belfond, 2003; Pocket, 2005), Les charmes de la vie conjugale (Belfond, 2005; Pocket 2009), La femme du Ve (Belfond, 2007; Pocket 2009) et Quitter le monde (Belfond, 2009; Pocket, 2010). En 2008, les éditions Belfond ont également publié son roman culte Piège nuptial, dans une nouvelle traduction. http://www.douglas-kennedy.com/


Passages qui m'ont marquée:

Pág. 14: en parlant du bébé qui ne laisse pas ses parents dormir
Dans l'intention de le faire taire huit bonnes heures, nous avions tout essayé: le garder éveillé le plus tard possible, le gaver de deux solides biberons pour décourager une fringale nocturne, lui administrer la dose maximale d'aspirine pour bébés prévue par la posologie.

Pág. 18: idem anterior

C'est un vrai terroriste du sommeil, qui ne cédera qu'une fois toutes ses revendications entièrement satisfaites. ... Et en bas, lorsqu'il a découvert le biberon attendant à côté du micro-ondes, les vingt éprouvantes secondes qu'a mis la potion à se réchauffer lui ont arraché des décibels réellement dangereux pour les tympans. ... Alors qu'Adam a été un bébé de gravure de mode, le genre d'adorable bambin qui sourit dans la lumière irisée d'une pub pour couches-culottes, Josh, lui, est une petite brutasse.

Pág. 19: À propos d'Adam, sur sa réaction face aux disputes de ses parents

Dès que Beth et moi avons un accrochage verbal, ou nous gratifions mutuellement d'un chantage au silence, je discerne son angoisse, je vois comment ses grands yeux gris nous supplient de faire la paix.

Pág. 20: à propos de la chaîne CNN

... je me suis immédiatement mis sur McNews, le fast-food de l'information, j'ai nommé CNN.

Pág. 56: les fonctions de Ben Bradford en tant qu'avocat

P&S, Patrimoines et Successions. Une confrérie qui est là pour rappeler au commun des mortels qu'ils le sont, précisément, et qu'ils doivent bien se résigner à ne pouvoir emporter leurs biens dans l'au-delà. Un oeil sur leur inévitable et plus ou moins proche décès, nous les aidons donc à réaliser le butin temporel qu'ils ont accumulé selon un plan mûrement conçu, voire à accroître la valeur de leur succession par le truchement de divers fonds judicieusement concoctés pour "réduire l'impact négatif de la fiscalité (traduisez "pour ne pas se faire assassiner par les impôts"). Nous pouvons, à la demande, trouver à votre capital un abri sûr dans divers paradis fiscaux. Nous pouvons peaufiner des fonds de dévolution assez draconiens pour empêcher le fils prodigue de dilapider l'héritage en deux coups de cuillère à pot. Nous sommes très capables de barrer à ce dernier le moindre accès à la succession en prévoyant toute une série de contingences, clauses testamentaires assez contraignantes pour aller jusqu'à interdire à la mère dudit fils prodigue de subventionner ses dispendieuses habitudes. Enfin, nous nous assurons évidemment que le dernier testament signé de la main du futur défunt soit tellement impeccable, tellement indiscutable que les bénéficiaires n'aient jamais à entendre parler de la fameuse et redoutable réglementation sur les dispositions perpétuelles.

Pág. 58: le salaire et les avantages en nature dont jouit Ben Bradford de par sa position sociale

Personnellement, je ne me plains pas de mon bureau - ..., et encore moins du déluge de billets verts qu'on déverse sur moi: dans les trois cent quinze mille dollars annuels, selon les commissions et les primes, qui font de moi un résidant patenté du paradis des hauts revenus imposables. Sans oublier les fantastiques avantages en nature, les juteux à-côtés du job: couverture médicale pour toute la famille et abonnement au New York Athletic Club payés par la boîte, accès libre à l'appartement de fonction de Battery Park City, prêts à taux zéro pour l'achat de véhicules, service de limousine de nuit gratuit pour toute destination dans un rayon de quatre-vingts kilomètres à partir de notre QG (New Croydon tombe pile poil dedans), compte de société à discrétion dans des restaurants comme Le Lutece, le Four Seasons, le 21...

Pág. 59: plans d'avenir professionnel de Ben Bradford

Ainsi, une fois encore, je me retrouvai à planifier mon avenir dans ma tête: cinq ans dans une grosse boîte, au plus, en me serrant la ceinture et en épargnant comme un malade, puis, à peine la treintaine passée, me lancer dans un secteur plus subversif de la basoche. Basoche: cf. Petit Robert > Ancienmt: communauté des clercs dépendant des cours de justice. Mode fam. péj.: les gens de justice

Pág. 60-61: Ambiance au bureau - Wall Street

Là-bas s'étendaient les territoires de l'hystérie collective et de la paranoïa ouverte. Même si l'agressivité frénétique n'avait aucune raison d'être, quelqu'un se débrouillait toujours pour fomenter une crise, ou désigner un ennemi supposé, afin de stimuler la combativité de l'équipe. Pág. 62: Ambiance Wall Street En fait, il adorait jouer ce rôle du marginal hébraïque aventuré dans la bande de Gaza professionnelle que constituaient Wall Street et ses goyim agressifs. Wikipédia: Le terme de goy ou goï (héb. גוי, nation) apparaît dans la Bible hébraïque afin de désigner une « nation » pourvue d'institutions, par opposition au « peuple » (héb. עם, 'am), qui qualifie plutôt un conglomérat de personnes. Correspondant à ce que les bibles chrétiennes expriment comme les Gentils (du latin Gentiles, les « Nations »), c'est-à-dire les peuples non-Juifs, il est le plus souvent utilisé entre eux par les Juifs pour désigner les membres des nations environnant Israël. Le sens du terme a évolué selon les époques, l'usage biblique du terme n'étant ainsi pas celui du Talmud, ou de la période contemporaine. Le mot goy (pluriel : des goys // dans la Génèse, pluriel: goyim) a été admis dans des dictionnaires français depuis (terme présent dans le dictionnaire encyclopédique Larousse de 1985, avec un sens parfois péjoratif)

Pág. 72: conception de la "sécurité"

Or, la sécurité, on finit toujours par s'en rendre compte, est aussi une manière de descente aux enfers.


Pág. 77: image de la femme insatisfaite

.... évoquer l'image de cette femme qui la hantait: "C'était quelqu'un qui était sous le coup d'une terrible, énorme déception, ma mère. Tu sais, à mon âge, elle était très, très lancée dans le monde. Directrice financière dans une des plus grosses boîtes de New York. Mais dès qu'elle s'est mariée avec mon père et qu'elle a été enceinte de moi, paf! Terminé. Direction Ossining, les réunions de parents d'élèves, les matinées entre femmes, le dîner servi quand l'homme rentre au foyer par le 7 h 6... Oh, c'était une maman géniale, mais qu'est-ce qu'elle pouvait détester cette existence étriquée, qu'elle avait acceptée cependant, comme presque toutes les femmes de sa génération! Je suis convaincue que son cancer a commencé en partie comme ça, par ce constat désespérant de n'être qu'une bobonne, la "petite femme" qui attend à la maison un type qu'elle en vient à ne plus pouvoir sentir..."

Pág. 83: vision de macho?
Elle renâcla un moment, par peur de se retrouver coincée à la maison, de se couper entièrement de la vie new-yorkaise, de subir un nouvel échec littéraire. Mais je ne relâchai pas ma pression, pleine de sollicitude et de fermeté à la fois. Pourquoi, me direz-vous? Peut-être parce que je désirais que l'un d'entre nous, au moins, soit vraiment un "artiste potentiel". Ou bien était-ce un bizarre trip macho, le plan du type très fier de subvenir aux besoins de sa femme écrivain? Ou encore une autre explication: j'avais besoin qu'elle reste à la maison et qu'elle se plante. Les ratés aiment bien entraîner les autres dans l'échec, en général.

Pág.88: l'image du nouveau riche
Je me suis pourtant demandé quelquefois si, par-devers lui, il ne me prenait pas pour un cravaté bourré aux as qui voulait frimer avec un matériel dont les plus grands noms de la photographie n'auraient pas voulu, eux, tant il faisait "nouveau riche".

Pág. 99-100: description de Mme Bowles, aux multiples facettes
C'était aussi le genre d'individus à changer complètement de personnalité tous les six mois: à la fin des années 80, elle avait été la Femme Active en Armani à épaulettes superrembourrées, puis elle avait eu sa phase grande cocotte Chanel lors d'un bref mariage avec un courtier en diamants chypriote à la moralité douteuse, puis elle s'était mise à jouer la mécène décontractée s'habillant au Gap et se passionnant pour d'obscures troupes théâtrales d'avant-garde, puis...

Pág. 112-113: projection par le père (Ben Bradford) de l'image de son fils aîné dans dix ans
En lui rendant ses regards, je me demandais comment Beth et moi avions réussi à donner vie à un gosse aussi beau, et si dans dix ans, lorsqu'il serait un adolescent ingrat et grassouillet, il ne nous reprocherait pas de lui avoir gâché la vie. Des images effrayantes ont traversé mon esprit: Adam en camé destroy, se fournissant en crack auprès du plus gros dealer du coin, s'embarquant dans la voiture d'un copain en compagnie de cinq potes également shootés. La bagnole fonçant dans la nuit, l'allumé au volant se ruant plein gaz sur la 95. L'aiguille du compteur à 140, le conducteur pique du nez sur le tableau de bord, le véhicule devenu fou percute la glissière centrale. Adam se met à hurler...

Pág. 113: réflexions de père, relations père-enfant
"Je ne devrais pas me faire de soucis pour lui", me suis-je corrigé en moi-même, mais sans résultat. Oui, j'avais peur pour lui, sans doute parce que j'avais peur pour moi, peur de cette vulnérabilité que je ressentais si souvent lorsque je me retrouvais seul avec Adam, cette angoisse sourde de "ne pas être à la hauteur" au cas où le pire arriverait, qui hante n'importe quel parent. De cela, personne ne vous met jamais en garde avant que vous n'ayez des enfants: la manière dont vous finissez par dépendre entièrement d'eux, dont ils vous font sentir toute votre fragilité. Et pourquoi? Parce que auparavant vous n'avez jamais voué à quiconque un amour aussi désintéressé, aussi inconditionnel.

Pág. 163: description des policiers
Le flic numéro un était un Noir, bâti en hercule, le numéro deux monté sur piles, filiforme, sa chevelure de rouquin parsemée de gris. En voyant son visage d'enfant de choeur vieillissant, ses yeux hallucinés de zélote puritain, j'ai toute de suite compris qu'il allait m'en faire voir de toutes les couleurs: le genre de poulet qui a bien failli terminer chez les Jésuites.

Zélote - Cf. Petit Robert: patriote juif du premier siècle après J.-C., qui joua un rôle très actif dans la révolte contre l'occupant romain]


Pág. 169: description des résidents de la prision
On m'a enfermé pour la nuit dans une cellule de un mètre sur trois, avec une couchette et un W-C en acier, rien d'autre. Mon avenir. À côté se trouvait un enfoiré sinoque qui a glapi toute la nuit comme un coyote timbré. En face, un avorton atteint d'une telle chiasse qu'il a passé son temps à se traîner à la selle et à gémir de douleur pendant que son appareil gastrique se déchaînait. Au milieu de ce tonnerre de flatulences, des gémissements d'un autre acabit me parvenaient d'une cellule plus loin, ceux d'un zonard tatoué en train de se masturber bruyamment, le genre de grognements déchirants que l'on aurait attribué à un constipé en phase terminale.

Sinoque - Cf. Petit Robert: ou Cinoque > fam. et vieilli: fou, folle


Pág. 246: Ben Bradford, en proie à la culpabilité et à l'angoisse

J'ai traîné un moment sur la plage, respirant à pleins poumons l'air iodé, les yeux fixés sur le désert marin, à nouveau écrasé par un sentiment de culpabilité qui, je le savais, ne me quitterait plus jamais. On dit que la peur est la plus fidèle compagne de tout être conscient, pas vrai? La vie, c'est avancer d'un pas hésitant, sans cesse torturé par une idée obsédante: "Aujourd'hui, tout va être découvert."

Pág. 292: la liberté ou la peur?
Mon passé venait de voler en éclats, de disparaître à jamais. Plus de responsabilités, plus de pressions, plus de liens quelconques, plus d'"avant". C'était comme si je flottais dans le vide. Question: lorsqu'on efface entièrement l'ardoise, qu'est-ce qu'on obtient? Réponse: l'ardoise, sans rien dessus. Autre réponse: la liberté. L'existence, délivrée de tout, dont j'avais si souvent rêvé. Mais devant cette chance -cette ardoise silencieuse- je n'éprouvais que de la peur. Et pourquoi? Parce qu'une liberté aussi absolue procurait le même effet que de regarder dans l'espace intersidéral, de faire face à une immensité dont on ne devine même pas la structure.


Pág. 313: sobre la "californication" galopante

Bozeman, où je viens de passer le dernier week-end, a rejoint Kalispell, Bigfork et jusqu'à notre cher Mountain Falls dans la catégorie sans cesse grandissante des cités du Montana ravagées par ce terrible virus que certains nomment la "californication" galopante.


Pág. 341: à quoi reconnaît-on les gens du Montana?

-Et vous, combien de fois on vous a traîné chez les vampires de la pension alimentaire?

-Zéro fois. Jamais été marié.

-Alors vous z'êtes pas d'ici, c'est clair! Vous savez comment on peut savoir qu'un type est un pur produit du Montana?" J'ai fait non de la tête. "Eh bien, vous lui demandez à combien d'accidents de voiture et de mariages foirés il a survécu. S'il répond plus que deux, c'est un indigène cent pour cent."

Pág. 362-363: une bonne leçon d'économie de marché

... Mais comme vous le savez sans doute, quand on diversifie, il y a toujours des risques structurels qui doivent être couverts par des liquidités importantes. Alors moi je me dis: Pourquoi est-ce que je devrais mettre en danger mon capital propre?" J'ai opiné du bonnet, tout en me demandant si elle n'était pas elle aussi passée par la fac de droit commercial. "Je veux dire qu'on est dans les années 90, là. Small is beautiful. Vous avez une idée, vous la réalisez, vous la développez dans des proportions dont vous maîtrisez la synergie, ou bien vous voyez trop gros et vous bousillez la pureté originelle. Mais attention, cela ne veut pas dire que vous dédaignez les potentialités du marché.

Pág. 385: Citation de Sonny Liston
"L'expérience est le mot par lequel les hommes désignent leurs erreurs."


Pág. 399: le CALME du Montana
Le silence était si prenant que nous avancions sans un mot, et je me suis dit que si le Montana me plaisait tant, c'était, plus encore que pour ses routes solitaires et ses cieux grandioses, parce que les gens de ce pays savaient respecter le calme. Il y avait une phrase de Pascal là-dessus, lorsqu'il affirme que tous les malheurs de l'homme viennent de ce qu'il est incapable de rester assis tout seul dans une pièce, sans s'agiter... D'instinct, le Montana avait compris ce secret et faisait de son mieux pour se tenir loin du vain tintamarre qui régnait partout ailleurs. Ici, le calme était reconnu comme une vertu, une nécessité.

Pág. 420: différence entre journalistes et photographes
En le voyant travailler, j'ai mieux saisi ce qui différencie fondamentalement la démarche des journalistes de celle des photographes: les premiers opèrent comme des prédateurs, ils fourragent et ratissent un événement à la recherche de détails qui, une fois ordonnés, pourront donner l'atmosphère de la scène, la "vue générale"; les seconds, eux, sont sans cesse à l'affût de l'image forte, de la photo capable de résumer toute l'histoire. Pour un reporter de la presse écrite -un bon, s'entend-, un équilibre subtil doit cependant être trouvé: son art est de tirer un récit captivant d'une série d'observations fragmentaires sans lesquelles son papier paraîtra froid, quelconque; mais s'il ne sait pas y ajouter un vrai recul, une force de synthèse, il laissera au lecteur la désagréable impression qu'il n'a pas su appréhender l'événement lui-même dans toute sa dimension, dans tout ce qu'il implique au-delà des faits bruts.


Expressions utiles:

Elle arrivait toujours aussi superfringuée en cours

Faire bruyamment craquer ses jointures

Beth, elle, n'était pas mécontente d'être à tu et à toi avec une (très relative) célébrité telle que Wendy... Wikipédia: être très proche de quelqu'un, très ami de cette personne

... tous trois récits lyriques... affligés d'une mère à l'article de la mort

... votre toute jeune publication n'ait pas encore des reins financiers aussi solides que les magazines.

Il a eu un rire cacochyme. Cf. Petit Robert - Vx ou plaisant.: d'une constitution débile, d'une santé déficiente; maladif, valétudinaire: dont la santé précaire est souvent altérée]

... dix jours consécutifs de neige tenace, qui m'ont consigné dans mon casernement résidentiel et ont fini par me flanquer une crise de claustrophobie aiguë.

... ils se repassaient une fiasque de whisky en taillant le bout de gras à propos d'une nouvelle cotation en Bourse et d'autres sujets tout aussi bucoliques. Cf. Petit Robert - Discuter le bout de gras ou tailler une bavette = converser de choses et d'autres

jueves, 24 de marzo de 2011

Lin Haire-Sargeant, Heathcliff - Regreso a Cumbres Borrascosas

Ediciones B - 1ª edición - septiembre 1993

Resumen de portada
Una de las historias de amor más intensas y apasionantes de la novela romántica dejaba a la imaginación del lector un largo tiempo de la vida de uno de sus protagonistas. La pluma de Lin Haire-Sargeant, de una calidad que sabe ponerse a la altura de la novelista de la primera parte, da vida a ese período de la existencia de Heathcliff con tonos igualmente sombríos y tiernos a la vez, con una exacta evocación de un paisaje tumultuoso y del modo en que los actores del drama interactúan con él hasta el punto de confundirse. Heathcliff es la historia de un bastardo en busca de una paternidad (real o ideal) que le haga posible el acceso al objeto de sus amores; es también una historia de venganza y reconciliación, de celos y felicidades. Es una recreación del mundo de la gran novelista británica Emily Brontë y, a su vez, la presentación de otro, original a la vez que devoto de su modelo.

Algunos apuntes que me parecieron interesantes:

Pág. 83: señor Are y Heathcliff, ¿dos iguales?

-Queda acordado. Tú y yo somos iguales, Heathcliff. Ambos estamos solos por naturaleza; nuestro pecho es la tumba de recuerdos, heridas y solemnes promesas, muertos largo tiempo atrás y secretos para el mundo, y sin embargo, amoldamos cada sentimiento a ellos, alimentamos cada acción a ellos. ¿No te ocurre a ti?
-Sí.
-También a mí. Los iguales se reconocen. Mi intuición me dijo que eras el compañero de esclavitud de un tirano interior. ...


Pág. 234: cómo Heathcliff castró a su rival Linton

No sufrió, Cathy; entonces no, de ningún modo. En su favor debo decir que se recobró lo suficiente para acatarme con una serie de penosos golpes fallidos, pero le puse fin con un directo al mentón, que, como yo pretendía, lo dejó inconsciente durante un tiempo. Para asegurarme oprimí contra las ventanas de su nariz la especie de spongia somnorifera que utilizábamos para calmar a los caballos. Gimió suavemente, pero sus azules ojos semiabiertos no tenían expresión.
Trabajé con rapidez. Le até fuertemente muñecas y tobillos a los ganchos de la pared con los arneses, para colocarlo en una buena posición para trabajar y por si se despertaba antes de tiempo. Luego, desnudándolo, utilicé las herramientas de castración para realizar una diestra operación que había llevado a cabo numerosas veces con Daniel, pero nunca en circunstancias que requirieran tal precisión al ejecutarse, tal cuidado en la incisión y tal meticuloso reinjerto de tubo capilar, músculo y piel.
En unos minutos estaba hecho. Hubo muy poca sangre. La incisión, que froté con un ungüento curativo, era tan limpia como la más delicada obra que cirujano alguno pudiera realizar y las suturas igualmente pequeñas y regulares. Lo vendé, le abroché los calzones, desligué sus ataduras y le puse las sales bajo la nariz.

Pág. 236/237/238/239: el plan de Heathcliff para alejar a Edgar Linton de Cathy Earnshaw

Regulé la mecha de la linterna y me senté frente a él.
-¿Sabes lo que te he hecho mientras permanecías inconsciente?
Negó con la cabeza.
-Sé valiente, entonces, y te lo mostraré. -Sostuve ante él una bandeja sobre la que yacía la evidencia sangrienta, pero aún reconocible.
Tras un segundo de incomprensión gritó y me golpeó la mano. Bandeja y contenido rodaron sobre la paja. Se dobló sobre sí mismo y sollozó.
-Deja de gimotear y escucha -le ordené-. Sólo has visto uno, ¿no? Sólo te he quitado uno. Te he dejado la mitad de tu hombría.
Le obligué a tomar unas cuantas gotas más del líquido. Por fin cesaron sus lloriqueos. Me miró fijamente.
-Bien -dije-, ¿sientes dolor?
Volvió a negar con la cabeza.
-Ni lo sentirás, al menos en las próximas horas, y tampoco será mucho después. He hecho un trabajo de primera clase contigo. Apenas sufrirás; una pequeña cojera de ese lado durante unas pocas semanas, pero nada más.
Edgar empezó a comprender su propia cólera.
-¿Cómo has podido...? ¡Incalificable! ¡Te colgarán! ¡Te ahorcarán! ¡Este acto te ha destruido! ¡Esta noche la pasarás en prisión!
-No lo creo.
-¿No lo crees? ¿Crees que algún juez de Inglaterra te perdonará la vida después de esto?
-No -repliqué-. Pero no llegará a saberlo ningún juez.
La indignación hábía dejado a Linton sin habla, de modo que continué:
-Te has herido en una caída, de la que hay testigos. Como también los hay de mi osado rescate. Más tarde, al menos media docena de personas notaron que tenías sangre en los pantalones. Luego el señor Are , el principal caballero del condado, me encargó que te trajera aquí y examinara tus heridas. Si das a conocer la naturaleza de esta operación, diré que la realicé como medida de emergencia; que esa parte había sido aplastada, que sufría una hemorragia y que debía ser extirpada inmediatamente. No había tiempo para ir en busca del cirujano y el mismo señor Are atestiguará mi total capacidad para la tarea.
-No te saldrás con la tuya. -Linton temblaba ahora-. Será mi palabra contra la tuya, y aunque la mía no prevaleciera de inmediato, créeme, persistiría en acusarte. Eventualmente mi posición y mi carácter superiores lo confirmarían. Las autoridades sabrán la verdad.
-Es posible que estés en lo cierto -concedí-, aunque me parece improbable. Pues nunca sabremos cuál de las dos teorías es más acertada, puesto que tú no pronunciarás nunca una sola sílaba de nuestra historia.
-¿Por qué no? -preguntó Linton, sosteniéndose la cabeza entre las manos. ¿Qué fantasía vas a idear ahora?
-Porque está la cuestión del otro testículo.
A Linton se le salieron los ojos de las órbitas por el horror y el desconcierto.
-He dejado uno in situ por una razón. El momento en que descubra que has estado contando cuentos, será el momento en que inicie mis planes para completar el trabajo que he comenzado esta noche.
Linton se encogió un poco para alejarse de mí.
-Oh, sí -le aseguré-. Cuanto más luches contra el nudo corredizo, más te apretará alrededor del cuello, pues cuanto más éxito consigas en convencer a los demás de mi criminalidad, menos tendré que perder por confirmarla.
Permaneció silencioso. Continué:
-Reflexiona sobre tu situación. Tal como están ahora las cosas aún eres capaz de ser padre de familia, de perpetuar tu apellido. Puedes encontrar alguna apetitosa chica, la señorita Ingram quizás, y acostarte con ella y casarte con ella, aunque ni siquiera con todo tu poder has tenido el jugo suficiente para ese tipo de empresa. Pero si me acusas, la línea de sucesión de los Linton hallará su fin. Punto final. Mutis de Edgar, mutis de todos.
Seguía sentado en silencio, mirando fijamente al suelo.
-Ahora sí he captado tu atención ¿verdad? Bien, pues llegamos al quid de la cuestión. -Esperé a que levantara la vista para proseguir-. Como te había dicho anteriormente, dejarás de cortejar a Catherine Earnshaw.
Hice una pausa para comprobar el efecto de mis palabras. Un escalofrío recorrió el cuerpo de Linton.
-Ah, veo que comprendes de qué se trata, ¿no es cierto? Sí, tienes razón, la alternativa es bastante desagradable. O bien abandonas la compañía, favor, conversación, caricias, etcétera de Cathy (e incluso para tus endebles pasiones debe suponer un fuerte golpe), o, de persistir, convertirte en un castrado total al llegar la noche de bodas.
"No, no vuelvas el rostro, encárate con tu destino, escúchalo. Si te casas con Catherine Earnshaw esto es lo que haré. Te acorralaré y te convertiré en eunuco con sumo placer, nada podrías hacer para impedirlo; no hay lugar donde esconderse de mí, tú lo sabes en el fondo de tu corazón. Repetiría la operación de esta noche, sólo que en esa ocasión no te negaría la oportunidad de experimentar hasta el más exquisito punto sus diversas sensaciones.
Luego me dedicaría sistemáticamente a desmantelar tu casa, tu fortuna y tu familia. Sobornaría o destruiría a todos aquellos a los que amases, con una excepción, y me reiría en tu cara al final. ¿Está claro?
Me miró durante largo rato, luego asintió lentamente.
-Pero no es necesario que nada de todo eso llegue a ocurrir. Si mantienes la boca cerrada y permaneces alejado de Cathy no volveré a molestarte; de lo contrario, bailaré en tu boda (con nadie más que ella), brindaré sentidamente por la novia y dejaré un bonito regalo por añadidura.
Avanzamos y retrocedimos sobre ese terreno unas cuantas veces más, pero el resultado fue que finalmente aceptó. Por profundos que fueran su resentimiento y su odio, Edgar Linton aceptó mis condiciones.
Los acontecimientos se movieron entonces realmente de prisa, aunque medidos por la experiencia parecieron arrastrarse con enloquecedora lentitud. Temía oír el estrépito de los carruajes en el camino hacia la casa en cualquier momento. Me deshice de la evidencia de mis actos, mientras Linton se sumía en un estupor pasivo en el rincón. Después, despertándole para que pudiera copiar cierto documento, cerré la puerta del almacén mientras iba a la casa en busca de su equipaje. Ahí estaba la parte más frágil de mi plan; corría el riesgo de encontrrarme con la señora Fairfax y sus preguntas, lo cual hubiera resultado embarazoso, pero por suerte la esquivé.

sábado, 19 de marzo de 2011

Recommandations: Marc Levy et Jean Teulé

Autres livres recommandés:

Marc Levy

Et si c'était vrai

Mes amis mes amours


Jean Teulé


Le magasin des suicides

Poema de Maria-Mercè Marçal sobre sexe

Recollit per Rodolf G. al fòrum d'APTIC


El teu sexe i el meu són dues boques.

No sents quin bes de rou sobre la molsa!

Quin mossec amb lluors d'ametlla viva!

Quina parla, amb rellent de gorga oberta!

Quin ball, petites llengües sense brida!

Quin secret de congost! Els nostres sexes,

amor, són dues boques. I dos sexes

ara ens bateguen al lloc de les boques.

A esglai colgat, fos l'eco de la brida

que domava la dansa de la molsa,

de bat a bat tenim la platja oberta:

avarem-hi el desig d'escuma viva.

El teu sexe i la meva boca viva,

a doll, trenats com si fossin dos sexes,

entremesclen licors de fruita oberta

i esdevenen, en ple desvari, boques.

Boques, coralls en llacuna de molsa

on l'hora peix l'atzar i perd la brida.

Som on l'hora i l'atzar perden la brida,

on, a cavall de la marea viva,

llisquen sense velam, pels solcs de molsa,

el meu sexe i la teva boca: sexes

al mig del rostre i a l'entrecuix, boques.

Tot és un daltabaix de sal oberta.

Castells de mar en festa, a nit oberta

esborren signes i donen la brida

de tot a la follia de les boques.

Qualsevol fulla morta es torna viva

al clar del sol que ens fa llum negra als sexes

i pinta de carmí flames de molsa.

Que cremi tot en un torrent de molsa

i que ens mauri la nostra saba oberta!

Que facin el solstici els nostres sexes,

que el cor transformi en pluja tota brida!

Que esclatin els bancals en saó viva!

Que els boscs floreixin en milers de boques!

I que les boques facin que la molsa

arreli, viva, com la pell oberta

sense brida al mirall dels nostres sexes!

viernes, 18 de marzo de 2011

Recommandation: Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part, Anna Gavalda

Recomanat a la Stefania C. per la Laia G.: Escriptora jove francesa que té molt d'èxit. És un llibre de narracions curtes molt amenes i sorprenents, escrit amb molts jocs de paraules i un llenguatge col·loquial. Es va publicar el 2009, i encara que crec que el títol és una mica desafortunat, val molt la pena. També el podràs trobar a la Fnac.

lunes, 14 de marzo de 2011

domingo, 13 de marzo de 2011

Un ápice de mujer - Poema de Irène Guinez

UN ÁPICE DE MUJER

Había dejado en tus manos
Estos pocos restos de mí
Tenias que usarlos con cuidado
Los has roto todos, uno por uno


Algunas migas de mí
Te había concedido, después de todo
Pensé que sabrías qué hacer
Pero las has chafado todas

Una pizca de mis sentimientos
Tenías en tu poder, al final
Después de tantas batallas
Pero la echaste a perder, otra vez

Ahora que no queda nada de mí,
Puedo volatizarme, evaporarme
No queda nada de mis emociones
Aquí te quedas, con mis cenizas.

Irène Guinez


Proposta de traducció en català de Núria Parés Sellarès:


UN ÀPEX DE DONA

Havia deixat a les teves mans

Aquestes restes de mi

Havies d'utilitzar-les amb cura

Les has trencat totes, una per una


Algunes engrunes meves

T'havia concedit, perquè, de fet

Vaig pensar que sabries què fer-ne

Però les has aixafat totes


Un pessic dels meus sentiments

Tenies en el teu poder, al final

Després de tantes lluites,

Però els vas fer malbé, una altra vegada


Ara que no queda res de mi,

Puc volatilitzar-me, evaporar-me,

No queda res de les meves emocions,

Pots quedar-te amb les meves cendres.

jueves, 10 de marzo de 2011

Recomanat: Raimon Samsó, Avança la teva jubilació

Llibre traduït per la Tina Vallés Segell editorial: Editorial Pòrtic Col·lecció: Atrium [Núm 10] - Núm edició: 1 « Raimon Samsó explica amb claredat els principis i les tècniques per explotar el nostre talent » Propostes per aconseguir independència econòmica i no haver de dependre ni de feines poc estimulants ni de la minsa jubilació de la Seguretat Social. Text de contraportada: En ple procés de reforma del sistema de pensions i d’aprimament de l’estat del benestar, aquest és un llibre molt recomanable i oportú. ¿Per què només el 5% de les persones es jubilen amb prou mitjans econòmics? ¿Què saben aquestes persones que el 95% restant ignora? ¿Hi ha algun secret que calgui saber? Raimon Samsó explica amb claredat els principis i les tècniques per explotar el nostre talent, buscar les oportunitats i desenvolupar una “intel·ligència financera” que ens permeti ser amos de nosaltres Comentaris de la Tina - 10.03.11: El llibre sobre llibertat financera que vaig traduir i del qual us vaig parlar fa uns mesos, ja ha sortit a la venda: http://www.grup62.cat/ca/llibre/avanca-la-teva-jubilacio_12560.html Penso que és una lectura més que recomanable per als que ens volem guanyar/continuar guanyant la vida amb mitjans propis i alhora garantir-nos una jubilació digna, sense haver de dependre ni dels bancs ni de l'Estat. Evidentment, és un llibre d'autoajuda i com a tal té aquell to que ja sabeu, i cal destriar-hi el gra de la palla, però creieu-me quan us dic que us posarà en ordre moltes idees, us en donarà alguna de nova i, sobretot!!, us animarà a millorar, a treballar millor, a buscar la manera de treballar millor, de guanyar més, de garantir-vos un futur abans no sigui massa tard. No m'allargo més. El llibre parla per si sol. Evidentment, no ofereix solucions miracle, eh, hem de pencar, estar al peu del canó i posar-hi ganes, no fotem! :)

miércoles, 9 de marzo de 2011

Jorge Bucay, Cuentos para pensar

Jorge Bucay nació en Buenos Aires en 1949. Es médico psiquiatra y psicoterapeuta gestáltico. Trabaja en Argentina, México y España, dictando cursos de psicología de la vida cotidiana para organizaciones y grupos de reflexión. Es autor de nueve obras: Déjame que te cuente, Cuentos para pensar, Amarse con los pies abiertos (publicadas por RBA Integral), Cartas para Claudia, De la autoestima al egoísmo (de próxima publicación), y los cuatro libros de la serie "Hojas de Ruta", publicados por Grijalbo: El camino de la autodependencia, El camino del encuentro, El camino de las lágrimas y El camino de la felicidad. Está casado y tiene dos hijos.


Citas interesantes:

"Los cuentos sirven para dormir a los niños y para despertar a los adultos."
"En su pequeñez, cada semilla contiene el espíritu del árbol que será después."


Tras llevarnos de la mano por los senderos mágicos de los cuentos ancestrales de Déjame que te cuente, Jorge Bucay nos ofrece ahora estas historias, fruto de su propia inventiva. Su objetivo es crear un vínculo con el lector en el que el cuento se conviertaen un lazo único con el escritor. Bucay, ante todo, hace una apología de la solidez y la fiabilidad de la indiscutible mirada del sentido común.

De la sabiduría sufí
"El maestro sufí contaba siempre una parábola al finalizar cada clase, pero los alumnos no siempre entendían el sentido de la misma...
-Maestro -lo encaró uno de ellos una tarde-. Tú nos cuentas los cuentos pero no nos explicas su significado.
-Pido perdón por eso -se disculpó el maestro-. Permíteme que en señal de reparación te invite a un rico melocotón.
-Gracias, maestro -respondió halagado el discípulo.
-Quisiera, para agasajarte, pelar tu melocotón yo mismo. ¿Me lo permites?
-Sí, muchas gracias -dijo el alumno.
-¿Te gustaría que, ya que tengo en mi mano el cuchillo, te lo corte en trozos para que sea más fácil comerlo?
-Me encantaría... Pero no quisiera abusar de tu generosidad, maestro...
-No es un abuso si yo te lo ofrezco. Sólo deseo complacerte... Permíteme también que lo mastique antes de dártelo...
-No, maestro. ¡No me gustaría que hicieras eso! -se quejó sorprendido el discípulo.
El maestro hizo una pausa.
-Si yo os explicara el sentido de cada cuento, sería como daros a comer una fruta masticada."


Carta de un asesino confeso
Muchos meses de mi investigación los he dedicado a estudiar psicología. Ha sido un intento de llegar a comprenderlo a usted y sus mecanismos. No me cabía en la cabeza que un individuo que se dedicaba a la justicia tuviera una idea tan poco aceptable de la moral y de lo justo. Aprendí, entonces, algo que se llama "formación reactiva" (un supuesto mecanismo mediante el cual uno actúa para intentar cambiar el signo de la acción que sigue a un deseo censurable...).

El guerrero
¡La magia sólo dura mientras persiste el deseo!

Obituario para un hombre singular
Ser feliz es sentir la convicción de estar en el camino correcto.

martes, 8 de marzo de 2011

Carlos Pujol, El lugar del aire

Narradores de Hoy, BRUGUERA.



El lugar del aire -quizá el vacío, pero también el reino de los sueños y el ámbito de lo invisible- recrea con magistral sutileza la atmósfera del París del 1900, convocando a sombras ilustres y casi legendarias de la belle époque. Bajo el patronazgo de Proust (quien incluso hace una breve aparición personal en una de sus páginas), tenemos acceso a una ciudad soñada y finisecular en la que todo se diluye en fastasmagorías significativas. Carlos Pujol culmina así brillantemente su ciclo novelesco sobre el siglo XIX, aventura literaria que constituye por su clasicismo y su magisterio estilístico una de las máximas aportaciones a la novela española contemporánea.



Carlos Pujol nació en Barcelona en 1936, se licenció en Filología Románica y, después de vivir un año en Escocia como profesor de español, en 1962 se doctoró con una tesis sobre Ezra Pound y los poetas medievales. Posteriormente simultaneó la docencia en la Universidad con la crítica literaria, traduciendo así mismo a numerosos autores clásicos y modernos, entre otros Ronsard, Shakespeare, Racine, Defoe, Chateaubriand, Jane Austen y Balzac. Entre 1973 1979 publicó cinco libros sobre literatura francesa: Voltaire, Balzac y la Comedia Humana, La novela extramuros, Abecé de la literatura francesa y Leer a Saint-Simon. En 1981 apareció su primera novela, La sombra del tiempo, seguida por Un viaje a España (1983) y ahora por El lugar del aire.



Estos tres libros, aunque independientes entre sí, componen un ciclo novelesco sobre el siglo XIX, siempre con personajes y situaciones que se vinculan a Francia. Ciclo francés que empieza con una historia ambientada en el tránsito del Antiguo Régimen a la nueva Europa surgida de la Revolución, continúa con una trepidante aventura de los años románticos y concluye en la atmósfera crepuscular del París del 1900, cuando muere el siglo. Chateaubriand, Balzac y Proust, admiraciones literarias confesadas por el autor, tienen que ver con cada uno de esos tres momentos de la Historia convertida en mito y poesía.



El lugar del aire contiene una enigmática trama argumental que se desarrolla en las últimas semanas del año 1900, cuando agoniza el siglo XIX y tal vez esté a punto de terminar el mundo; una anciana que recuerda un borrascoso y melancólico pasado nos introduce en un clima de misterio que perdura más allá de los secretos y apariencias intrigantes que la acción acaba por revelar; porque la fuente de lo misterioso está más que en la anécdota narrativa, en el interior de los personajes, soñadores, indecisos, alucinados y contradictorios, que pueblan tan singular narración. Entre dos siglos y entre dos luces, el lugar del aire es el del ambiguo juego de la claridad y las sombras, el de los recuerdos y las canciones, el de los sueños imposibles y el de crepitantes paradojas verbales que se van a desvanecer al simple contacto de la muerte.



Como ya es habitual en las novelas de Carlos Pujol, aquí conviven seres de ficción con personajes reales bien conocidos (cuya identidad se respeta escrupulosamente, aunque a menudo se omita la mención expresa de su nombre) y con figuras procedentes de la tradición literaria y que se adaptan a las conveniencias de esta nueva aventura en la que reviven. Todos contribuyen al encanto brillante y marchito de esta evocación poética -que nunca descuida el humor- del París de la belle époque, donde nada es lo que parece y todo significa mucho más de lo que aparenta; donde los sueños transforman la realidad, y la imaginación transforma a su manera, a veces por caminos no poco dramáticos, la consistencia aparentemente irreversible de la historia, del pasado.

***

Expresiones que me gustan:

De un tiempo a esta parte...

La Navidad estaba en puertas...

En tal caso -y no faltaban indicios que abonasen esa hipótesis- nunca sabríamos que ocurrió...



Algunos apuntes recogidos en el libro, que me gustaron o me llamaron la atención:

Pág. 13: sobre la vejez
Incliné la cabeza acurrucándome en el sillón y me sentí muy vieja, con una vejez irreal que no era posible que algún día tuviese fin.


Pág. 14: el milagro de la luz o el progreso
Sylvestrine, la cocinera, debió de encender la lámpara del vestíbulo: su mayor afición era comprobar que la luz eléctrica existía, hacer girar los conmutadores y ver una vez más que aquel milagro luminoso obedecía a un movimiento de sus dedos. Siempre encontraba alguna excusa para confirmar incansablemente la ilusionada prueba, y al cabo de unos instantes, que bastaban para fingir que ya había encontrado lo que andaba buscando, volvía a sus fogones tranquilizada acerca del progreso y del buen orden del mundo.



Pág. 48: sobre los recuerdos
¿Cómo revivir el recuerdo al contarlo años después? La sangre se enfriaba, había que echar mano de comparaciones que tenían que sonar a huecas; el recuerdo como un miembro amputado que sabemos que ya no existe, pero que duele más que nunca, la luz que después de apagarse se sigue viendo con la misma intensidad, un zumbido de abejas furiosas en las sienes. Aunque quizá no hablaba del deseo, que en la memoria se confundía con el tiempo vivido, evocándose como algo nuestro que ya no nos pertenece, una queja de desesperación.


Pág. 59: descripción de un policía
Me miraba con ojos quietos y desorbitados, de ave nocturna que puede ver donde los demás no ven, o de miope que simula una vista de lince con la intensidad de su mirada, y su largo macferlán ondulaba a cada movimiento, como si se dispusiera a echar a volar en busca de otros sospechosos más dignos de su atención. Tuve la seguridad de que detrás de aquella manera impertinente de mirarme sólo había un hombrecillo banal que se había hecho policía por tener cara de búho.

Pág. 65: sobre la inocencia
-¿Qué es la inocencia? Una sublime presunción, lo que no existe y sin embargo es bello, algo en lo que quisiéramos creer para salvarnos de la incertidumbre, lo que ilumina nuestra vida y nuestros sueños de felicidad. ¿Puede usted jactarse de estar libre de toda culpa, Monsieur Larsan? ¡Ah! Como decía el poeta,
Reconozco que empieza mi inocencia a pesarme.

Pág. 73: lenguaje de las flores
-Pues no lo sé, mamuchka. Si hay un lenguaje de las flores, ¿por qué no habrá también el lenguaje de las cosas? Verás: el gladiolo es la cita, el jazmín, amor voluptuoso -estamos en Auteuil-, el asfodelo, corazón abandonado, la capuchina, indiferencia, el miosotis, recuerdo fiel... ¿No te dice nada todo eso? Podría ser la historia de Constance.
...
-La balsamina, si no recuerdo mal, es fragilidad, el amaranto, amor duradero, el jacinto, corazón lacerado.

Pág. 87: lenguaje corporal del diplomático
... cierto diplomático...
Por entre un mar de cabezas, me miraba lastimosamente, y a medida que se acentuaba su nerviosismo, aumentaban los movimientos convulsivos que eran tan propios de él y que todo el mundo imitaba en las reuniones sociales. Se acariciaba la parte interior de la solapa, se afilaba la nariz con los dedos, torcía la boca, hacía como si quisiera arrancarse el mentón, guiñaba desenfrenadamente los ojos, arqueaba las cejas, se alisaba el pelo y juntaba ambas manos sobre el pecho en un ademán tal vez implorante.
¿Quería decir algo con aquel lenguaje mudo que acaso él mismo ignoraba, pero que no por ello dejaba de ser tan intrigante como expresivo? ? ¿Qué pensaban en las cancillerías europeas de aquella mímica, que mal interpretada podía originar un casus belli? ¿Eran peticiones de auxilio, disculpas, qué intención tenían aquellos mensajes no sé si involuntarios, que no se atrevía quizá a formular con palabras, y que no obstante diríase que era ineludible lanzar desesperadamente al aire, confiando en que alguien recogiera sus señales y pudiera descifrárselas a él mismo?

Pág. 93: más lenguaje de las flores
En las paredes, muchos cuadros de la dueña de la casa: Campanillas (amistad leal), camelias (orgullo), pasionarias (dolor), anémonas (perseverancia), si es que todo aquello quería decir algo.

Pág. 100: más lenguaje de las flores
En un caballete había un cuadro con clemátides blancas (deseos, ¡si pudiera conmover tu corazón!), y arrimados a las paredes otros muchos cuadros, todos con temas florales.

Pág. 111, 112: sobre ingleses y celtas
-Los ingleses son una raza fútil y quizá despreciable (aunque no me atrevo a asegurarlo), y ello explica su afición a los deportes y su éxito en los negocios. Yo soy de una estirpe de celtas soñadores y fantasiosos que sabemos muy bien qué es lo esencial de la vida: tumbarse en un sofá, por ejemplo, y echar a volar la imaginación, sentarse alrededor de una mesa con buenos amigos, como ahora, beber ajenjo o champán, perderse en la belleza de un cuadro o en una nostalgia, dedicar años a escribir un solo verso, que aún estará lejos de la perfección. O dar el placer a los demás con nuestras palabras. Lo único digno de vivirse es casi impalpable, y desde luego indecible. Por eso es tan divertido dedicarse a decirlo.
-Veo que no le gustan los ingleses -dije.
-Madame -contestó con una sonrisa retadora-, nadie es poeta en su tierra. Yo era muy conocido allí, por lo menos tanto como el Banco de Inglaterra, y les diré sin jactancia que el Imperio Británico no se recuperará jamás de mi paso por la vida; pero no congeniábamos, ésa es la verdad. Yo quería vivir para ser feliz, y casi todo me ayudaba a serlo, en especial mis enemigos: bastaba perseverar en todo lo que me reprochaban para saber que daba pasos muy firmes hacia la felicidad y hacia mí mismo; hay que cultivar lo que la gente nos critica, es lo mejor que hay en nosotros. Me rizaba el cabello y me lo teñía de color ámbar, me disfrazaba de Balzac; en Londres todo eso daba mucho que hablar. Decían de mí que era apolíneo, ¿no parece imposible? Y me cantaban cosas así:

As you walk down Piccadilly
with a poppy or a lily
in your mediaeval hand…

Mis manos nunca han sido medievales, ya lo ven, ¡qué le vamos a hacer! Exigían que trabajase, cuando el trabajo es para los que no tienen nada mejor que hacer; la pereza es un don precioso que malgastamos estúpidamente. Los ingleses eran intolerantes conmigo, yo sólo lo era con la fealdad; yo vivía a gusto, ellos se sentían incómodos, porque en el fondo están desconcertados por ser ingleses, no saben cómo serlo; disimulan todo lo que pueden jugando al críquet, pero se les nota.


Pág. 113: la perorata de Aurélien
Era un chisporroteo incesante de humor, frases cínicas y lapidarias que decían lo contrario de lo que el oyente esperaba oír, pero que levantaban ecos misteriosos en algún rincón insospechado de nosotros mismos. Y hablaba y hablaba sin atropellamiento, con la naturalidad de un improvisador genial que no se cansa y que no tiene prisa, que encuentra el sentido de su vida en el juego vistoso y cegador de las palabras y las ideas vueltas al revés, divertidamente pervertidas para nuestro goce.

Pág. 113: sobre Verlaine
Hablaban de gente que conocieron. El divino Verlaine, que murió hecho una piltrafa en un hospital, perpetuamente borracho, y a quien Melmoth recordaba en el Café François I, envuelto en miradas de idolatría de Bibi-la-Purée. …
-¡Verlaine, enamorado del ajenjo, ese demonio turbio e irresistible como el placer! Según el doctor Nordau, todos los genios están locos, pero olvida que todas las personas sensatas son idiotas.

Pág. 115, 116: cuestiones literarias
-… ¿Le parece presuntuoso? -preguntó mirándome.
Aurélien desvió diplomáticamente la conversación hacia cuestiones literarias. ¿Había leído las últimas novedades francesas? ¿El Journal d'una femme de chambre, de Mirbeau, L'appel au soldat, de Barrès, Claudine à l'école, de Willy o del negro que hubiese utilizado en esta ocasión? ¿Y Jammes? ¿Y Huysmans? ¿Conocía las últimas cosas de Lorrain y de Rachilde?

Pág. 140: Norma por poco se ahoga
Se echó a reír con estridencia y la risa se le estranguló en un ahogo, como si se atragantase irremediablemente y no pudiera respirar, emitiendo entre toses unos silbidos entrecortados y angustiosos. Me levanté para darle unas palmadas en la espalda, pero rechazó mi ayuda, agarrándose con todas sus fuerzas a los brazos del sillón, como si buscase desesperadamente un punto de apoyo que le permitiese expulsar las flemas o los cuerpos extraños que la asfixiaban.
Tenía los ojos muy abiertos y todo el cuerpo en tensión, los músculos tirantes bajo aquella túnica verde de cartaginesa absurda, y su visible desnudez me pareció de pronto la de un cadáver. Ahora respiraba un poco mejor y se retorcía las manos sobre las blondas de su regazo, con las serpeientes entrelazadas y amenazadoras. Al parecer se recuperaba, pero aún tenía que hacer grandes esfuerzos por tragar saliva, como si ésta se le acumulase en la boca y no pudiese abrir su paso natural garganta abajo.
Yo la miraba atónita sin saber qué hacer, queriendo colaborar a que se repusiera de aquel accidente tal vez banal, pero que en ella adquiría proporciones trágicas, con un hilillo de saliva cayéndole de la comisura de los labios y el rostro desencajado, como de quien ha visto muy de cerca la muerte y todavía no consigue olvidar su visión. Me volví hacia la niña. Zoé no se había movido, me pareció que ni siquiera se había molestado en volver la cabeza.


Pág. 159: el gran saber de l'abbé Ledoux
El abate Ledoux pareció estar a punto de decir que aquello era lo que menos le preocupaba, pero se contuvo a tiempo.
-Todo esto es muy raro -suspiró.
-Por eso me gusta tanto. La vida es rara, Monsieur l'abbé, y Dios también.
-¿Adónde quiere ir a parar? -exclamó sobresaltándose.
-Verá, todo es difícil de entender, a Dios le gusta mucho el misterio. ¿Usted nunca ha imaginado a Dios como un novelista?
-No -dijo anonadado.
-Es una manera de hablar, pero ¿se ha fijado en la inagotable imaginación de Dios? ¿A quién se le hubiera ocurrido inventar una historia tan extravagante?
-Es posible que a usted misma -contestó dándose por vencido-. Ya veo que seguirá con el asunto; aunque es mi deber advertirle que los ensueños son una forma de la idolatría. Bueno, al menos hágalo con humildad. Como dice san Optato de Milevi: Más valen los pecados con humildad que la inocencia con soberbia. Meliora sunt peccata cum humilitate quam innocentia cum superbia.
Humilló la cabeza, como pidiendo excusas por tanto saber.


Pág. 167, 168, 169: memorias de un tiempo futuro

-Todo está en sus memorias, Madame -siguió diciendo, sacudiéndose la tierra adherida a su pulquérrimo pantalón-. En vez de dar el golpe de Estado, se puso a escribir unas extrañas memorias que provocaron el equívoco de que le hablaba antes. Tal vez comprendió que su plan era imposible y siniestro, pero no renunció a contarlo todo por escrito, con el máximo pormenor y, eso es lo más peregrino, como si hubiese sucedido. En sus memorias habla en pasado de hechos que sitúa en el año que viene, como si fuese un memoriógrafo del tiempo futuro que transmitiese a la posteridad las circunstancias de una historia que aún tiene que suceder. No sé si me explico.

-Se explica. Y me parece un indicio de locura, estamos todos locos. Nuestros confidentes, sobre todo uno de ellos, tuvo acceso a ese manuscrito fantástico, y la noticia nos alarmó, los pasajes que copiaron para nosotros daban idea de una vasta conjura de incalculables consecuencias. De ahí nuestra constante vigilancia, nuestras sospechas, de ahí los recelos que despertó la visita que ustedes hicieron aquella noche a los de De Croisy. Hasta que advertí, sin falsas modestias, he de decir que yo fui el primero que noté que algo sonaba a hueco en toda aquella historia, la asombrosa falta de concordancia entre las fechas y el tiempo de los verbos. Una cuestión de gramática, dirá usted, pero esencial. ¿Qué sería de los franceses si no tuviéramos escrúpulos gramaticales?

-Y comprendió que todo era imaginario. Que era un golpe de Estado para la literatura. Lo único que podía hacer.

-C'est ça. Eso nos puso sobre aviso y entonces lo vi todo claro. Quéria dar de sí mismo una idea heroica y descabellada, falsa, desde luego. Habla para la posteridad de un gran golpe de Estado que regenera Francia y la devuelve a sus días de mayor gloria; y esos hechos se cuentan como sucedidos en los años futuros, como si escribiese desde el porvenir. Después de su muerte, si llegan a publicarse estas memorias, serán la desesperación de los historiadores, que no comprenderán nada.

-De todos modos, nunca comprenden nada -dije.

-¡Qué idea más singular!, ¿verdad? Contar una historia imaginada, como si fuera real, a las generaciones venideras; ¿qué dirán de nosotros en en siglo XX? Para ellos sólo seremos sombras, y además muy confusas.

Pág. 174: ¿de quién se tratará?

Côté potins, puedo decirte que aún se habla un poco del escándalo en que se vio envuelto cierto escritor a la moda al que condenaron a trabajos forzados convicto de sodomía; se puede ser un sinvergüenza y un depravado y guardar las formas, la privacy es la privacy, pero el caso al que aludo es intolerable. Inglaterra desprecia a ese supuesto caballero y ya ha empezado a olvidarle definitivamente.

Pág. 174: sobre el nombre de Sherlock Holmes
El colaborador de Míster Holmes, el doctor Watson, veterano de no sé qué campaña de Afganistán, me decía en el Albemarle Club, mientras degustábamos un negus (aclaraba que eso era oporto, agua caliente, azúcar y especias, y que se llamaba así por el coronel del mismo nombre), que a su amigo le habían propuesto para la dignidad de Sir por los servicios prestados al país; pero que, aunque Sir Holmes no sonaba mal, Sir Sherlock Holmes era de una cacofonía espantosa, como el ruido de una vieja llave al girar en una cerradura oxidada. Eso hacía un tanto incierto el asunto.

Pág. 177: por querer hablar demasiado
Mientras, el locuaz y jovial Pierrefonds hablaba infatigablemente sin medir sus fuerzas: alargaba demasiado las frases, como movido por la impaciencia de no retrasar informaciones que debía de creer urgentísimas, contando con que la respiración iba a permitirle decir más de lo que podía; y siempre se quedaba sin resuello antes de rematar la frase, ahogándose cuando aún le faltaban dos o tres palabras que emitía en un suspiro desesperado y angustioso.

Pág. 188: de cesuras y de versos
¿Había reparado en esa zona intermedia, a caballo de la cesura, que creaba tonalidades sombrías, como una oscuridad sugerida por la repetición de la misma vocal? Era un efecto sonoro que le había costado mucho encontrar, y que servía de puente en un verso que empezaba con la luz y que tenía que morir con la noche. Nada es casual, insistió, la inspiración se doma con el trabajo de la lima.

Pág. 197: sobre los rusos
-No sabía que fuese usted tan rusa.
-Se hace lo que se puede -respondí.
Comentó que los rusos, sin desmerecer a nadie, eran muy peculiares, que había conocido a muchos en una época lejana de su vida, cuando trabajó de camarero en cierto restaurante muy bueno, el Helder, ¿lo conocía? Sí, conocía el Helder, como la palma de mi mano, y me traía recuerdos que era mejor haber olvidado, aunque pensándolo bien, no todos, porque por aquel entonces no tenía ni la menor idea de la existencia de Sylvestrine.
-Recuerdo muy bien -evocaba Cri-Cri- que cierta noche cenaba allí el conde Koslov, y de pronto se levantó y dijo en vol alta señalando una mesa en la que había un matrimonio judío: Autorizo a estos judíos a que me abofeteen. Todos nos quedamos estupefactos. El judío fue hacia él y le preguntó muy serio: ¿Es verdad lo que acaba de decir? Koslov asintió con la cabeza. El otro le dio un tremendo bofetón, saludó y regresó a su mesa para seguir cenando con su mujer. El conde volvió a sentarse y dijo muy sereno: Necesitaba que me humillasen. Yo acudí para limpiarle la sangre de la nariz con la servilleta, y oí que explicaba: Tenía que expiar un pecado muy grave que cometí ayer. Y siguió comiendo su loncha de jamón frío como si nada.
-Es una historia extravagante -dije.
-Los rusos son así, he conocido a muchos.

Pág. 217: tienen a la pobre protagonista muerta de hambre
¿Para quién preparaba semejante festín? ¿Consentiría su intransigente celo, siempre en bien de mi hígado, en que yo participase de él? ¿Podía llamarse gula lo que sentía en aquellos momentos, antiguos sabores evocados que resbalaban imaginariamente por el paladar, produciendo un turbador cosquilleo en esa zona intermedia y mal definida en la que el gusto se hace olfato? ¿Era gula o instinto de conservación?

Pág. 225: sobre la memoria
Yo pensaba en aquel espejismo que había sufrido la noche en que conocí a Constance, confundiendo la casa de Auteuil que me describía con aquella otra, la que perteneció a madame Doche y que fue de Louis. Quizá todos los recuerdos muy profundos estén emparentados, quizá al hurgar en las últimas galerías de la memoria las rememoraciones y el olvido se hermanan o se funden, y nos hacen ver tiempo atrás imágenes que son mezclas soñadas de deseos.

Pág. 238, 239: sobre la memoria y los recuerdos
Un placer delicioso me había invadido, aislado, sin tener noción de su causa, haciendo que me parecieran indiferentes las vicisitudes de la vida, inofensivos sus desastres, ilusoria su brevedad, del mismo modo que actúa el amor, llenándome de una esencia preciosa; o, mejor dicho, esta esencia no estaba en mí, era yo misma. Sentí como si algo pugnara por brotar en el fondo de la memoria, algo decisivo que podía transformarme.
La salvación estaba en la memoria, que rescataba lo vivido sometiéndolo a cambios sutiles y profundos para que resucitase con un nuevo esplendor; más aún, el aire que habíamos abrazado como si fuera vida, podía volver bajo la forma de recuerdo que ya formaba parte de nosotros mismos. ¿Qué presagios salían de aquel pozo de tiempo? Era como si estuviera a punto de recordar algo que creía olvidado para siempre, y que podía darme un conocimiento cuya pérdida iba a hacer de mí un ser inconsolable.
Bebí otro sorbo y luego un tercero, pero la virtud del brebaje parecía menguar. Estaba claro que la revelación que entreveía confusamente no residía en él, sino en mí. Poco después de haver insinuado su existencia, volvió a hundirse en la oscuridad hasta desaparecer, y nunca supe lo que hubiera podido significar para mí la evocación de aquel recuerdo que naufragó en mi propio olvido.