(Roman lu au mois d'août 2011)
Édition POCKET - Belfond
Roman traduit de l'américain par Bernard Cohen
Douglas Kennedy
est né à New York en 1955, et vit entre Londres, Paris et Berlin. Auteur de trois récits de voyages remarqués, dont Au pays de Dieu (Belfond, 2004; Pocket, 2006), il s'est imposé avec, entre autres, L'homme qui voulait vivre sa vie (Belfond, 1998; Pocket, 1999), en cours d'adaptation cinématographique, et La poursuite du bonheur (Belfond, 2001; Pocket 2009), suivis de: Une relation dangereuse (Belfond, 2003; Pocket, 2005), Les charmes de la vie conjugale (Belfond, 2005; Pocket 2009), La femme du Ve (Belfond, 2007; Pocket 2009) et Quitter le monde (Belfond, 2009; Pocket, 2010). En 2008, les éditions Belfond ont également publié son roman culte Piège nuptial, dans une nouvelle traduction.
« (…) l'un des meilleurs romans de cet écrivain américain. » François Busnel – L'Express
Passages intéressants :
Page 9 : Elizabeth Bowen
« Le destin n'est pas un aigle ; il se faufile comme un rat. »
Page 21 : Le sens des mots
Parce que les mots comptent. Les mots construisent et détruisent. Les mots restent.
… il existe un énorme fossé entre « comprendre » un événement qui bouleverse votre vie et « accepter » sa terrible réalité.
Page 27 : Les personnages de fiction
Comme David Henry, mon directeur de thèse, aimait à le souligner aux étudiants de son cours de théorie littéraire, « tout roman a fondamentalement une crise pour propos, et la manière dont un ou plusieurs individus s'y confrontent. Plus encore, quand nous faisons la connaissance d'un personnage de fiction, nous le voyons évoluer dans le présent mais il a un passé derrière lui, comme nous tous. Que ce soit dans la vie réelle ou dans un livre, on ne comprend vraiment quelqu'un que si on connaît son histoire » .
Page 69 : La conscience
… A Little Book in C Minor, de HL Mencken, dans lequel se trouve l'un de mes aphorismes préférés de cet auteur : « La conscience, c'est cette voix intérieure qui nous rappelle que quelqu'un est peut-être en train de regarder. »
Page 72 : On croit connaître quelqu'un
Dire que cette lecture avait constitué une étrange expérience serait faible : elle m'a troublée jusqu'au plus profond de moi. On croit connaître quelqu'un dans toutes les dimensions de sa pensée et de ses émotions, on est certain de savoir ce qui se passe dans sa tête grâce à d'innombrables conversations à propos de la vie, de l'art, de ce qui est important et de ce qui est anodin, mais aussi grâce à l'intimité créée par un amour réciproque, et puis ce même être retourne dans son univers pour écrire, et le résultat est tellement bizarre, tellement déroutant que l'on n'est plus sûr de rien.
Page 78 : Le plagiat
L'auteur avait découvert que l'une des œuvres phares du « nouveau roman » français, La Modification, de Michel Butor, était elle aussi le récit non linéaire d'un voyage – entre Paris et Rome, et à bord d'un Trans-Europe Express – pendant lequel un écrivain médite des heures durant sur le compte de sa femme et de sa maîtresse. « Certes, le professeur Henry fait une rapide allusion à La Modification dans son hermétique opuscule, notait le journaliste du New York, qui n'avait pas signé son article, très précisément lorsque le narrateur évoque son ambition d'écrire un livre qui serait plus Butor que Butor. Mais cette référence oblique ne protège aucunement Henry de l'accusation de s'être annexé toute la structure et le principe narratif d'un autre roman. Peut-être l'éminent professeur a-t-il une explication déconstructionniste de ce cas de « réappropriation moderniste » qui, en langage courant, s'appelle tout simplement « plagiat ». »
Page 79 : Traduction anglaise du roman de Michel Butor
Si j'y ai retrouvé la densité elliptique et le parti pris intellectualisant de 49e Parallèle, les deux œuvres m'ont paru totalement dissemblables. D'accord, elles partageaient le thème de l'homme dérivant entre deux femmes dans un voyage à la fois physique et mental, mais toute entreprise littéraire n'est-elle pas, sous une forme ou une autre, la réinvention d'une thématique et d'une forme déjà employée par d'autres ? Il fallait être un journaliste particulièrement peu scrupuleux, et inspiré par une jalousie haineuse envers un écrivain de talent, pour crier au plagiat devant ce qui était, au plus, l'hommage d'un créateur à l'un de ses prédécesseurs.
Page 93 : Poème de T.S. Eliot
« Entre l'intention et l'acte/S'étendent les ombres. »
Page 96 : Confesser ou le dispositif de défense
C'était une leçon que la mort de David m'avait donnée : quand on ne confesse rien, on ne livre aux autres que des suppositions, jamais de preuves. De ce fait, ce qui doit rester caché le demeure. Pour moi, cette découverte était rassurante en ce qu'elle m'offrait le dispositif de défense dont j'avais besoin pendant cette période à Harvard, et aussi parce qu'elle me permettait de compartimenter la rage et l'abattement, de prendre le contrôle sur mes démons personnels. Alors, j'ai adopté profil bas. Je me suis absorbée dans mes études. …
Page 134 : Comptes à régler avec le père et la mère
Nous voulons tous régler nos comptes avec le père ou la mère qui a déçu nos attentes. Sans doute. Mais c'est tellement déprimant quand on y parvient…
Page 194-195 : Pensée de Pascal sur la solitude
Avec le recul, les trois semaines qui ont suivi ont compté parmi les plus belles de ma vie. Il y a une pensée de Pascal que l'on cite souvent, selon laquelle tout le malheur des hommes vient de ne pas savoir « demeurer en repos dans une chambre » ; pendant ces jours bénis, je n'ai pas été inactive, mais j'ai passé la majeure partie de mon temps seule dans une pièce. Et cela m'a parfaitement convenu.
Page 196 : La discipline
Pourquoi ce besoin d'un horaire aussi rigide ? La discipline, c'est avant tout la mise en place du contrôle de soi, l'idée qu'en s'astreignant à des règles d'airain et en évitant les distractions on parviendra à se tenir loin du grand désordre du monde. C'est dans doute cette conviction qui me tirait du lit chaque jour mieux qu'un radio-réveil.
Page 205 : La conscience et les répercussions de nos actes
Une fois encore, je devais constater la fatalité de l'un des grands principes de la condition humaine : les répercussions de choix anciens se font sentir dans tout ce qui vous arrive par la suite ; avec un peu de chance, leur écho ne résonne que dans la sphère la plus privée qui soit, celle de la conscience, mais que vos actes tombent d'une façon ou d'une autre dans le domaine public, et ils projetteront à jamais sur vous une ombre soupçonneuse.
Page 236 : Politiquement correct
-Quoi ? Vous n'êtes pas une adepte du politiquement correct, une cryptoféministe, voire une « überféministe » ?
Page 273 : L'interprétation
Comme George Orwell l'a si justement noté, n'importe quel lieu commun contient une part de vérité essentielle. Ce que Christy venait de dire m'a amenée à comprendre que le dilemme auquel j'étais confrontée était basé sur un élément fondamentale de l'analyse littéraire que j'avais abondamment pratiqué : l'interprétation. Comment interpréter la part de scrupule moral dans une décision ? Comment arriver à interpréter ce qui vous arrive sans vous laisser guider par la culpabilité ? Comment mesurer à quel point vous avez besoin de plier la réalité pour qu'elle entre dans le moule de la représentation que vous avez de votre existence ? Ou encore : qu'êtes-vous prêts à accepter, ou pas, pour continuer à faire partie du concert du monde ?
Page 424 : Phrase de Kafka que l'on cite le plus souvent
« Un matin, au sortir d'un rêve agité, Gregor Samsa s'éveilla transformé dans son lit en une véritable vermine ».
La deuxième phrase la plus célèbre :
« Quand nous regardons l'autre, pouvons-nous seulement voir la douleur que porte chacun de nous ? »
Page 438 : Citation de Samuel Beckett
« Il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer. »
Page 693 : Werner Heisenberg et le principe d'incertitude
C'était le mathématicien et physicien allemand à qui revenait la paternité du principe d'incertitude : en considérant une particule donnée, on ne peut jamais connaître à la fois sa position et sa vitesse ; c'est l'une ou l'autre ; telle est l'indétermination de tout fragment de vie.
« Et c'est aussi le destin, m'étais-je dit après avoir lu cette définition : un déplacement arbitraire de particules qui nous entraînent vers des destinations que nous n'aurions jamais imaginées. L'incertitude… Elle gouverne chaque instant de la condition humaine. »
Vocabulaire retenu :
-Tout le monde l'encensait, en ce temps-là. (page 28)
-Ils s'arrangent toujours pour pousser les décombres de côté et poursuivre leur chemin. (page 51)
Des flatteries sirupeuses (page 237)
Tuer dans l'œuf la passion naissante…
C'était un moulin à paroles, assurément, mais il faisait preuve d'une telle érudition que je me suis vite accoutumée à la logorrhée.
Propension à vouloir épater le bourgeois quand elle avait trop bu en lançant des imprécations eschatologiques.
Je viens juste de perdre les eaux (page 289)
… sur le ton caustique dont elle ne se départait jamais,…
Surtout maintenant que sa femme est à tu et à toi avec le Créateur.
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